mercredi 2 avril 2008

Différents types de noyaux

Il existe toutes sortes de noyaux, plus ou moins spécialisés. Des noyaux spécifiques à une architecture, souvent monotâches, d’autres généralistes et souvent multitâches et multiutilisateurs. L’ensemble de ces noyaux peut être divisé en deux approches opposées d’architectures logicielles : les noyaux monolithiques et les micro-noyaux.

On considère généralement les noyaux monolithiques, de conception ancienne, comme obsolètes car difficiles à maintenir et moins « propres ». Le noyau Linux était déjà qualifié d’obsolète par Andrew Tanenbaum[6], dès sa création en 1991. Il ne croyait pas, à l’époque, pouvoir faire un noyau monolithique multiplate-forme et modulaire. La mise en place de micro-noyaux, qui consiste à déplacer l’essentiel des fonctions du noyau vers l’espace utilisateur, est très intéressante en théorie mais s’avère difficile en pratique. Ainsi les performances du noyau Linux (monolithique) sont supérieures à celles de ses concurrents (noyaux généralistes à micro-noyaux), sans compter qu’il fut finalement porté sur de très nombreuses plates-formes et qu’il est modulaire depuis 1995.

Pour ces raisons de performance, les systèmes généralistes basés sur une technologie à micro-noyau, tels que Windows et Mac OS X, n’ont pas un « vrai » micro-noyau enrichi. Ils utilisent un micro-noyau hybride : certaines fonctionnalités qui devraient exister sous forme de mini-serveurs se retrouvent intégrées dans leur micro-noyau, utilisant le même espace d’adressage. Pour Mac OS X, cela forme XNU : le noyau monolithique BSD fonctionne en tant que « service » de Mach et ce dernier inclut du code BSD dans son propre espace d’adressage afin de réduire les latences.

Ainsi, les deux approches d’architectures de noyaux, les micro-noyaux et les noyaux monolithiques, considérées comme diamétralement différentes en terme de conception, se rejoignent quasiment en pratique par les micro-noyaux hybrides et les noyaux monolithiques modulaires.

Noyaux monolithiques non modulaires

Architecture monolithique
Architecture monolithique

Certains systèmes d’exploitation, comme d’anciennes versions de Linux, certains BSD ou certains vieux Unix ont un noyau monolithique. C’est-à-dire que l’ensemble des fonctions du système et des pilotes sont regroupés dans un seul bloc de code et un seul bloc binaire généré à la compilation.

De par la simplicité de leur concept mais également de leur excellente vitesse d’exécution, les noyaux monolithiques ont été les premiers à être développés et mis en œuvre. Cependant, au fur et à mesure de leurs développements, les codes des noyaux monolithiques ont augmenté en taille et il s’est avéré difficile de les maintenir. Le support par les architectures monolithiques des chargements à chaud ou dynamiques implique une augmentation du nombre de pilotes matériel compilés dans le noyau, et par suite, une augmentation de la taille de l’empreinte mémoire des noyaux. Celle-ci devint rapidement inacceptable. Les multiples dépendances créées entre les différentes fonctions du noyau empêchaient la relecture et la compréhension du code. L’évolution du code s’est faite en parallèle à l’évolution du matériel, et des problèmes de portage ont alors été mis en évidence sur les noyaux monolithiques.

En réalité les problèmes de la portabilité de code se sont révélés avec le temps indépendants de la problématique de la technologie des noyaux. Pour preuve, NetBSD est un noyau monolithique et est porté sur un très grand nombre d’architectures, alors que des noyaux tels que HURD ou celui de Windows XP utilisent des micro-noyaux censés faciliter le portage mais n’existent que pour quelques architectures.

Architecture d’un noyau monolithique
Architecture d’un noyau monolithique

Noyaux monolithiques modulaires

Pour répondre aux problèmes des noyaux monolithiques, ces derniers sont devenus modulaires. Dans ce type de noyau, seules les parties fondamentales du système sont regroupées dans un bloc de code unique (monolithique). Les autres fonctions, comme les pilotes matériel, sont regroupées en différents modules qui peuvent être séparés tant du point de vue du code que du point de vue binaire.

La très grande majorité des systèmes actuels utilise cette technologie : Linux, la plupart des BSD ou Solaris. Par exemple avec le noyau Linux, certaines parties peuvent être non compilées ou compilées en tant que modules chargeables directement dans le noyau. La modularité du noyau permet le chargement à la demande de fonctionnalités et augmente les possibilités de configuration. Ainsi les systèmes de fichiers peuvent être chargés de manière indépendante, un pilote de périphérique changé, etc. Les distributions Linux, par exemple, tirent profit des modules chargeables lors de l’installation. L’ensemble des pilotes matériel sont compilés en tant que modules. Le noyau peut alors supporter l’immense variété de matériel trouvé dans les compatibles PC. Après l’installation, lors du démarrage du système, seuls les pilotes correspondant au matériel effectivement présent dans la machine sont chargés en mémoire vive. La mémoire est économisée.

Les noyaux monolithiques modulaires conservent les principaux atouts des noyaux monolithiques purs dont ils sont issus. Ainsi, la facilité de conception et de développement est globalement maintenue et la vitesse d’exécution reste excellente. L’utilisation de modules implique le découpage du code source du noyau en blocs indépendants. Ces blocs améliorent l’organisation et la clarté du code source et en facilitent également la maintenance.

Les noyaux monolithiques modulaires conservent également un important défaut des noyaux monolithiques purs : une erreur dans un module met en danger la stabilité de tout le système. Les tests et certification de ces composants doivent être plus poussés.

D’un point de vue théorique, le grand nombre de lignes de code exécutées en mode noyau engendre des problèmes de portabilité. La pratique contredit largement la théorie et les noyaux modulaires sont aujourd’hui les plus portés.

Systèmes à micro-noyaux

Architecture d’un système à micro-noyau
Architecture d’un système à micro-noyau

Les limitations des noyaux monolithiques ont amené à une approche radicalement différente de la notion de noyau : les systèmes à micro-noyaux.

Les systèmes à micro-noyaux cherchent à minimiser les fonctionnalités dépendantes du noyau en plaçant la plus grande partie des services du système d’exploitation à l’extérieur de ce noyau, c’est-à-dire dans l’espace utilisateur. Ces fonctionnalités sont alors fournies par de petits serveurs indépendants possédant souvent leur propre espace d’adressage.

Un petit nombre de fonctions fondamentales sont conservées dans un noyau minimaliste appelé « micro-noyau ». L’ensemble des fonctionnalités habituellement proposées par les noyaux monolithiques est alors assuré par les services déplacés en espace utilisateur et par ce micro-noyau. Cet ensemble logiciel est appelé « micro-noyau enrichi ».

Ce principe a de grands avantages théoriques : en éloignant les services « à risque » des parties critiques du système d’exploitation regroupées dans le noyau, il permet de gagner en robustesse et en fiabilité, tout en facilitant la maintenance et l’évolutivité. En revanche, les mécanismes de communication (IPC) qui deviennent fondamentaux pour assurer le passage de messages entre les serveurs, sont très lourds et peuvent limiter les performances.

Avantages et inconvénients d’un système à micro-noyau

Les avantages théoriques des systèmes à micro-noyaux sont la conséquence de l’utilisation du mode protégé par les services qui accompagnent le micro-noyau. En effet, en plaçant les services non critiques dans l’espace utilisateur, ceux-ci bénéficient de la protection de la mémoire. La stabilité de l’ensemble en est améliorée : une erreur d’un service en mode protégé a peu de conséquences sur la stabilité de l’ensemble de la machine.

De plus, en réduisant les possibilités pour les services de pouvoir intervenir directement sur le matériel, la sécurité du système est renforcée. Le système gagne également en possibilités de configuration. Ainsi, seuls les services utiles doivent être réellement lancés au démarrage. Les interdépendances entre les différents serveurs sont faibles. L’ajout ou le retrait d’un service ne perturbe pas l’ensemble du système. La complexité de l’ensemble est réduite.

Le développement d’un système à micro-noyau se trouve également simplifié en tirant parti à la fois de la protection de la mémoire et de la faible interdépendance entre les services. Les erreurs provoquées par les applications en mode utilisateur sont traitées plus simplement que dans le mode noyau et ne mettent pas en péril la stabilité globale du système. L’intervention sur une fonctionnalité défectueuse consiste à arrêter l’ancien service puis à lancer le nouveau, sans devoir redémarrer toute la machine.

Les micro-noyaux ont un autre avantage : ils sont beaucoup plus compacts que les noyaux monolithiques. 6 millions de lignes de code pour le noyau Linux 2.6.0 contre en général moins de 50 000 lignes pour les micro-noyaux. La maintenance du code exécuté en mode noyau est donc simplifiée. Le nombre réduit de lignes de code peut augmenter la portabilité du système.

Les premiers micro-noyaux (comme Mach) n’ont pas tout de suite atteint ces avantages théoriques. L’utilisation de nombreux services dans l’espace utilisateur engendre les deux problèmes suivants :

  1. La plupart des services sont à l’extérieur du noyau et génèrent un très grand nombre d’appels système ;
  2. Les interfaces de communication entre les services (IPC) sont complexes et trop lourdes en temps de traitement.

Le grand nombre d’appels système et la communication sous-jacente sont un défaut inhérent à la conception des micro-noyaux. Dans L4, il a été résolu en plaçant encore plus de services en espace utilisateur. La rapidité de traitement des IPC a pu être améliorée en simplifiant les communications au maximum, par exemple en supprimant toute vérification des permissions, laissant ce soin aux serveurs externes.

Ces modifications radicales ont permis d’obtenir de bonnes performances mais elles ne doivent pas faire oublier qu’un micro-noyau doit être accompagné d’un grand nombre de services pour fournir des fonctionnalités équivalentes à celles des noyaux monolithiques. De plus, la grande liberté dont disposent les services au niveau de la sécurité et de la gestion de la mémoire accroît la difficulté et le temps de leur développement (il doivent fournir leurs propres interfaces).

Architecture d’un micro-noyau enrichi par des services (micro-noyau enrichi)
Architecture d’un micro-noyau enrichi par des services (micro-noyau enrichi)

Exemple d’associations micro-noyaux - noyaux enrichis - système d’exploitation

Micro-noyauMicro-noyau enrichiSystèmes d’exploitation associés
L4HURDGNU/HURD
MachHURDGNU/HURD
MachXNUDarwin
MachXNUMac OS X

Noyaux hybrides [modifier]

Architecture hybride
Architecture hybride
Architecture hybride : XNU
Architecture hybride : XNU

La dénomination de « noyaux hybrides » désigne principalement des noyaux qui reprennent des concepts à la fois des noyaux monolithiques et des micro-noyaux, pour combiner les avantages des deux.

Lorsqu’au début des années 1990 les développeurs et concepteurs se sont aperçus des faiblesses des premiers micro-noyaux, certains réintégrèrent diverses fonctionnalités non fondamentales dans le noyau, pour gagner en performance. Les micro-noyaux « purs » semblaient condamnés à l’échec.

Alors que la philosophie générale des systèmes à micro-noyaux est maintenue (seules les fonctions fondamentales sont dans l’espace noyau), certaines fonctions non critiques, mais très génératrices d’appels système, sont réintégrées dans l’espace noyau. Ce compromis permet d’améliorer considérablement les performances en conservant de nombreuses propriétés des systèmes à micro-noyaux. Un exemple de ce type de noyau hybride est le noyau XNU de Mac OS X. Il est basé sur le micro-noyau Mach 3.0 mais qui inclut du code du noyau monolithique BSD au sein de l’espace noyau.

Cette dénomination est également utilisée pour désigner d’autres types de noyaux, notamment les noyaux monolithiques sur micro-noyaux (temps réel ou non) tels que L4Linux (Linux sur L4), MkLinux (le noyau Linux sur Mach), Adeos, RTLinux et RTAI.

Plus rarement, on peut rencontrer le terme « noyau hybride » pour remplacer improprement « noyau monolithique modulaire » ou « micro-noyau enrichi ».

Exo-noyaux

Un exo-noyau ne fournit aucune abstraction. Dans ces deux derniers cas, les fonctions restantes nécessitent de petits modules qui peuvent être configurés avec flexibilité. L’exo-noyau plus ces modules est alors appelé noyau au sens large.

Méta-noyaux

Un « méta-noyau » est un ensemble de logiciels qui vise à appliquer la notion de noyau informatique au niveau d’un réseau informatique, en créant une unique couche de gestion des périphériques au niveau d’un réseau.

De cette manière, les logiciels peuvent être déployés et utilisés sur le réseau informatique comme s’il s’agissait d’une machine unique, et l’ensemble des logiciels fonctionnant sur cette plate-forme peuvent se partager les ressources de manière intégrée, comme elle le ferait sur un noyau simple.

Un méta système doit également permettre la personnalisation, la gestion des permissions ainsi que l’utilisation d’informations dépendant de la localisation.

Cette notion rejoint les notions de grappe de calcul, de machine virtuelle, de serveur d’application et de CORBA.

Noyaux temps réel

Une possibilité d’architecture de noyau temps réel hybride
Une possibilité d’architecture de noyau temps réel hybride

Les noyaux temps réel sont fonctionnellement spécialisés. Ce sont des noyaux généralement assez légers qui ont pour fonction de base stricte de garantir les temps d’exécution des tâches. Il n’y a pas à proprement parler de notion de rapidité de traitement ou de réactivité dans les noyaux temps réel, cette notion est plutôt implicite à la garantie des temps d’exécution en comparaison aux critères temporels de l’application industrielle (la réactivité d’un système de freinage ABS n’a pas les mêmes critères temporels que le remplissage d’une cuve de pétrole).

Très utilisés dans le monde de l’électronique embarquée, ils sont conçus pour tourner sur des plates-formes matérielles limitées en taille, puissance ou autonomie.

Les noyaux temps réel peuvent adopter en théorie n’importe quelle architecture précédemment listée. Ils fournissent souvent deux interfaces séparées, l’une spécialisée dans le temps réel et l’autre générique. Les applications temps réel font alors appel à la partie temps réel du noyau.

Une des architectures souvent retenue est un noyau hybride qui s’appuie sur la combinaison d’un micro-noyau temps réel spécialisé, allouant du temps d’exécution à un noyau de système d’exploitation non spécialisé. Le système d’exploitation non spécialisé fonctionne en tant que service du micro-noyau temps réel. Cette solution permet d’assurer le fonctionnement temps réel des applications, tout en maintenant la compatibilité avec des environnements préexistants.

Par exemple, on peut avoir un micro-noyau temps réel allouant des ressources à un noyau non temps réel tel que Linux (RTLinux, RTAI) ou Windows. L’environnement GNU (resp. Windows) peut alors être exécuté à l’identique sur le noyau pour lequel il a été conçu, alors que les applications temps réel peuvent faire directement appel au micro-noyau temps réel pour garantir leurs délais d’exécutions.

VxWorks est un noyau propriétaire temps réel très implanté dans l’industrie bien que les systèmes à base de noyau Linux se déploient énormément et aient un succès grandissant via RTAI (RTLinux étant breveté).

Synthèse des principaux noyaux et de leurs architectures

NoyauNoyau monolithiqueNoyau monolithique modulaireMicro-noyauMicro-noyau enrichiNoyau hybrideTemps réelExemples de systèmes d’exploitation associés
AIXOui OuiNon NonOui OuiAIX
AmoebaOui OuiOui Oui
BeOSOui OuiOui OuiOui OuiBeOS
Anciens BSDOui OuiNon NonNon NonBSD
BSD 4.4Oui OuiNon NonNon NonBSD - Solaris 1
ChorusOui OuiOui Oui
FiascoOui OuiOui OuiGNU/L4Linux/Fiasco
HURDOui OuiNon NonNon NonGNU/HURD
IrixOui OuiNon NonOui OuiIrix
JalunaOui OuiOui OuiOui OuiJaluna/Chorus
L4Oui OuiOui OuiGNU/HURD ; GNU/L4linux
Linux <>Oui OuiNon NonNon NonGNU/Linux
Linux > 1.2Oui OuiNon NonNon NonGNU/Linux
LynuxWorksOui OuiOui OuiOui OuiGNU/Linux/LynuxWorks
MachOui OuiOui OuiMac OS X, Darwin, GNU/HURD, GNU/Mklinux
MinixOui OuiNon NonOui Oui (Extensions)Minix
NeXTStepOui OuiOui OuiNon NonNeXTStep
NucleusOui OuiOui OuiOui OuiNucleus
OS/2Oui OuiNon NonNon NonOS/2
OS/360Oui OuiNon NonNon NonOS/360
QNXOui OuiOui OuiOui OuiQNX
RTAIOui OuiOui OuiOui OuiGNU/RTAI
RT-OS360/75Oui OuiNon NonOui OuiIBM RTOS
Unix SysVr4 / SunOS 5Oui OuiNon NonNon NonSolaris 7 et suivant
VxWorksOui OuiOui OuiOui OuiWindows/VxWorks, BSD/VxWorks
Windows NT (Noyau de)Oui OuiOui OuiNon NonWindows NT
XNUOui OuiOui OuiOui OuiMac OS X, Darwin
Microware OS-9Oui Oui

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